Combien pour le Mediator ?

La première page du site du laboratoire pharmaceutique Servier, spécialisé dans la cardiologie, le diabète, la dépression et la ménopause, accueille le visiteur par une pensée anonyme : où est l'amour des humains, là est aussi l'amour du métier.

C'est un extrait du Serment d'Hippocrate, (...) j’interviendrai pour protéger les personnes si elles sont affaiblies, vulnérables ou menacées dans leur intégrité ou leur dignité, qui salue le visiteur de la première page du Manifeste des 30, médecins, philosophes, qui souhaitent par une pétition proche des 10.000 signataires, rappeler au laboratoire Servier et à la profession médicale leurs obligations légales et morales.

Pour le Manifeste des 30, le laboratoire Servier pousse nombre d’entre elles (les victimes du Mediator, ndr) au désespoir et à la conviction « qu’en fait, Servier attend leur mort ». Accusation à laquelle répond le laboratoire dans une lettre ouverte, les demandes d’informations médicales adressées aux patients sont indispensables à l’évaluation de leur préjudice. Nous réfutons catégoriquement les accusations qui nous sont faites de demandes qui seraient injustifiées et pléthoriques.

Il n'empêche que l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM), depuis son annonce du 24 juin 2015, prendra en charge l'indemnisation d'une dizaine de victimes à la place du laboratoire Servier, car celui-ci a refusé de les indemniser en s'appuyant sur le fait que le collège des sept experts, présidé par un magistrat honoraire de la Cour de cassation, avait statué auparavant une absence de lien entre l'état de certains de ces patients et la prise du médicament. L'enjeu est important puisque, entre temps, la recherche médicale a pu prouver un lien de causalité entre le Mediator et certaines valvulopathies cardiaques - en fait médicamenteuses mais erronément diagnostiquées articulaires - offrant ainsi à des patients la possibilité d'être indemnisés, pourvu que le collège d'experts puisse réexaminer leur dossier. Ce que conteste le laboratoire Servier, subitement fort scrupuleux du respect de la procédure qui, pour, l'instant, en attendant l'adoption du projet de loi de modernisation de notre système de santé, ne permet pas de revenir sur ces décisions.

Rappelons que le Mediator, avant de devenir un scandale sanitaire impliquant Servier, mis en examen pour tromperie aggravée avec mise en danger de l’homme, et l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), ancienne Afssaps, mise en examen pour homicides et blessures involontaires, fut vendu à ses débuts comme traitement antidiabétique puis prescrit comme coupe-faim. Aujourd'hui, il est accusé d'avoir tué des milliers de personnes pour avoir été à l'origine de graves lésions des valves cardiaques. Ce sont donc des milliers de victimes qui attendent toujours un procès qui lui-même, pour avoir lieu, attend l'épuisement des recours déposés par les avocats du laboratoire après la clôture de l'instruction, finalisée en avril 2014...

Outre que ce médicament mortifère aura coûté à l'Assurance maladie depuis sa mise en vente, en 1976, jusqu'à l'arrêt de sa commercialisation, en 2009, des centaines de milliers d'euros de remboursement, ce sont surtout les victimes qui sont les premières touchées par ces contraintes de calendrier différant sans cesse l'établissement de l'addition globale.

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