Je souhaite parler du quotidien et des personnes qui n'ont pas la capacité ni la possibilité ou l'énergie de faire entendre leur mécontentement. C'est au nom de toutes les victimes des manquements du système que je souhaite prendre la parole.
J'aide mon fils polyhandicapé, né en 2002. A l'époque, ce fut une évidence de renoncer à une carrière afin de m'occuper de lui. Mais au fur et à mesure qu'il grandissait, les difficultés changeaient de nature, je fus ainsi tour à tour infirmière, psychomotricienne, orthophoniste, éducatrice... avec l'impression d'être face à une digue qui ne cessait de se fissurer tandis que je la colmatais.
En 2005, j'ai cru que la loi sur le handicap serait notre chance avec la mise en place des Maisons Départementales des Personnes Handicapées (MDPH). Si à cette époque - c'est en 2009 que, afin de pouvoir prétendre à la Prestation de compensation du handicap (PCH), notre situation a été réévaluée -, j'ai vraiment eu le sentiment d'être entendue et reconnue à travers le statut d'aidant familial qui m'a été accordé, j'ai aussi rapidement déchanté en me confrontant à la lourdeur des démarches administratives, au manque de bon sens et de cohérence des décisions qui nous étaient proposées.
La loi promet beaucoup. Or, dans les faits, force est de constater qu'elle s'est arrêtée aux effets d'annonce. Sur le terrain, les MDPH pêchent par le manque de moyens financiers et l'on est en droit de s'interroger sur :
- La disponibilité de cette structure difficilement joignable par téléphone ou par mail,
- L'intérêt de l'évaluation à domicile si les informations communiquées ne sont pas remontées, de même pour la rubrique "expressions des attentes et besoins" du formulaire de demande,
- La pertinence du certificat médical des spécialistes qui suivent la personne handicapée, supplanté par l'avis du médecin de la MDPH,
- Le rôle de l'assistante sociale, de l'ergothérapeute, qui se contentent de nous renvoyer vers d'autres démarches plutôt que de nous aider à les réaliser,
- L'obligation de faire trois propositions pour le plan personnalisé alors qu'une seule est acceptable.
Les intervenants sont si nombreux, le cadre tellement légiféré, que nous sommes souvent mal renseignés, ballotés entre les différents services sans que personne ne remette son travail en cause. Et les notifications qui nous sont adressées sont incompréhensibles pour le commun des mortels. Pourtant, les comprendre est indispensable. Elles engagent véritablement leurs destinataires.
Le résultat de cette course est l'épuisement.
Les aidants, plus aptes à s'informer que la personne handicapée, s'épuisent en effet en démarches administratives alors que leur quotidien réclame déjà tant d'énergie. Et que dire de la clause de la loi de 2005, abrogée en 2011, qui prévoyait pour les aidants la possibilité de faire reconnaître leurs compétences par le biais d'une Validation des Acquis de l'Expérience (VAE).
Nous sommes en première ligne dans la prise en charge du handicap mais traités par les pouvoirs publics comme une quantité négligeable, malgré l'énorme service rendu à la société (toutes les études menées à ce sujet l'attestent). C'est scandaleux ! Aucun droit, que des obligations, où est la compensation ? C'est pourquoi, il me semble légitime de faire entendre notre mécontentement et notre indignation.