Dirty Corner, the Place to Be

Il a fallu moins d'une semaine pour que l'une des œuvres de l'exposition d'Anish kapoor, Dirty Corner, une installation officiellement accessible dans le parc du château de Versailles et disponible à toutes les interprétations du public, notamment sexuelles, depuis le 9 juin 2015, soit vandalisée par de la peinture jaune dans la nuit du 16 au 17 juin.

L'été passa et aucune dégradation ne fut constatée, jusqu'au 5 septembre. Le 6 au matin des inscriptions à caractère antisémite furent découvertes sur la même œuvre. Mais cette fois, l'artiste, en accord avec Catherine Pégard, la Présidente de l'établissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles, décida de ne rien effacer. Quelques jours plus tard, dans la nuit du 9 au 10 septembre, malgré une surveillance renforcée, un nouvel acte de vandalisme eut lieu, une autre inscription vindicative fut apposée.

En quatre mois mois, l'œuvre Dirty Corner est devenue l'objet de tous les désirs, ceux d'une institution muséale soucieuse du succès de l'exposition d'Anish Kapoor et de ses responsabilités juridiques vis-à-vis des productions de l'artiste ; ceux d'extrémistes aux vues aussi courtes et avides qu'une formule publicitaire ; les désirs du public, pris à témoin de ces vandalismes ; et ceux de l'artiste, le seul acteur de ces événements à être contraint par la violence d'y renoncer, comme il s'en explique dans un entretien exclusif donné à Valérie Duponchelle pour le Figaro du 6 septembre 2015 : désormais, ces mots infamants font partie de mon œuvre, la dépassent, la stigmatisent au nom de nos principes universels. Et je préfère écouter cette petite voix qui me dit d'oublier l'artiste et de penser au citoyen. Dirty Corner restera donc ainsi, de notre décision commune, et se montrera ainsi aux visiteurs et aux touristes de Versailles. Je défie désormais les musées du monde de la montrer telle quelle, porteuse de la haine qu'elle a attirée. C'est le défi de l'art.

Aujourd'hui, le résultat est la transformation d'une intention artistique en projet politique, preuve manifeste des capacités plastiques de l'art à exister dans l'espace social. Le sale petit coin d'Anish Kapoor a sacrifié ses prérogatives d'œuvre d'art au profit d'un message, comme l'on soumet une pièce à conviction lors d'un procès, adressé à tous les citoyens qui douteraient encore de la réalité et de l'urgence des défis politiques à relever par notre société. Dirty Corner vandalisé nous rappelle l'étendue de nos responsabilités politiques. C'est pourquoi, en compagnie d'Anish Kapoor, contre l'antisémitisme et l'intolérance, nous pourrions signaler à nos élus que nous sommes des citoyens toujours en vie, en signant la pétition en ligne #DirtyCornerthePlacetoBe !

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