Les concessions faites aux différentes communautés religieuses pour les laisser s’exprimer sur la place publique ne sont que des tentatives de ne pas évoquer les débats de fond qu’attendent les Français.
Par Noura Mebtouche, présidente du mouvement Res Publicae
Le principe de laïcité devrait faire partie des principes fondamentaux des lois de la République (PFLR). Inscrite dans notre droit, mal définie, la laïcité n’est pas encore entrée dans les mœurs. En effet, elle ne se décrète pas, elle se construit. Comme le dit Jean-Louis Touraine, député du Rhône, conseiller municipal de Lyon et professeur de médecine : « la laïcité est à la fois une très belle valeur, une éthique et une réflexion permanente ».
Pour la construire, comme cela a été posé par la loi et le règlement et la commission Stasi, il ne suffit pas d’interdire dans les lieux publics le port d’un signe ostentatoire de nature religieuse. Si le port de la croix gammée ou autres signes faisant appel à la violence ou à l’apologie du rejet d’autrui est interdit, on ne voit pas pourquoi ni comment on pourrait interdire tout port de signe faisant appel à la religion : croix, étoiles ou encore croissants. Cela relèverait d’une autre forme de fascisme. Pourquoi ne pas interdire les croissants au petit déjeuner ? Seule l’apologie du crime devrait faire l’objet d’interdictions.
Le voile n’est pas une question qui tient au religieux mais à la manière de se vêtir, les lois interdisent l’indécence ou ce qui peut choquer autrui, ce qui camoufle l’identité véritable d’une personne et peut induire les autres en erreur quant à sa personnalité véritable (et si le voile d’une personne qui s’adresse à moi dans la rue cachait un criminel ?). N’importe qui peut se cacher sous un voile.
Le problème n’est pas ici religieux, il est une question d’ordre public et de respect de la loi quant à l’identité des personnes. C’est donc un faux problème, une récupération politique que de s’en servir comme fer de lance d’une nouvelle croisade pour le libre droit à l’expression, ou encore pour les droits des femmes.
Les concessions faites aux différentes communautés religieuses pour les laisser s’exprimer sur la place publique ne sont que des tentatives de ne pas évoquer les débats de fond qu’attendent les Français. Non, nous ne sommes pas une République musulmane, catholique ou judaïque, nous sommes une République formée d’individus libres de leur choix. Et la laïcité est la notion à cultiver pour mieux vivre ensemble, sans communautarisme exacerbé ni alignement les uns sur les autres, comme dans une dictature qui n’autoriserait aucun écart vestimentaire par rapport à une norme.
La République est une entité abstraite, un idéal de vie dans la Cité mais aussi une éthique vers lequel nous devons tendre. La Nation est l’ensemble du peuple français sans distinctions ni discriminations. L’Etat est l’appareil coercitif dont émanent des politiques publiques que la Nation utilise pour mettre en œuvre sa volonté dans une poursuite équitable et logique des objectifs correspondant à son projet à long terme. Dans ce triangle, la laïcité s’inscrit comme un des piliers fondamentaux sur lesquels repose l’assurance de la conservation de l’éthique comme principe premier générateur du droit mais aussi des droits.
Le 2 février 1905, alors qu’il était dans sa cellule accusé d’avoir œuvré contre l’empereur, Kotoku Sushui écrivait : « dans ma cellule, j’ai le projet de rechercher la fissure du Christ ». Ce dernier, dans le cadre de la révolution japonaise ishin no kakumei, littéralement « révolution de l’avancée nouvelle », recherchait le lien entre christianisme et avancée sociale en France et en Europe. Nous devons nous aussi faire notre « révolution de l’avancée nouvelle » en inscrivant définitivement le principe de laïcité dans notre constitution.