La bru de la République

Il est précieux que les liens intergénérationnels, le canal natif de la transmission, soient sanctuarisés avec les attributs du 21ème siècle. Une famille détricotée est comparable à la rupture du cordon d’un cerf-volant, l’aéronef ne s’envolera pas, il s’écrasera sur le sol !

« Pour nous, la diversité culturelle n’est pas une option, c’est un programme», ce que de nombreux participants à la rencontre organisée par le ministère de la Culture et de la Communication ont proclamé, à l’occasion du 10e anniversaire de l’adoption de la convention sur la diversité culturelle par l’Unesco. Sur les terres du vieux continent, la bonne santé physique et morale des enfants issus de l’immigration est un défi déterminant pour la paix et la cohésion sociale, qui sont intimement liées à la croissance économique et à la prospérité d’un pays.

En France, les immigrés dépourvus de racine judéo-chrétienne, adultes de nos jours, arrivés dans l’hexagone en provenance majoritairement de l’Extrême-Orient, à l’âge de leur enfance ou de leur adolescence, constituent à mes yeux la génération pivot, entre la première et la deuxième génération (G1 et G2). Je les qualifierais de génération 1,5. Parfaitement biculturelle, habitée par la culture du pays d’origine, entre autres celle des Lumières, elle s’est donnée pour mission d’être une figure identificatoire, de poser les fondations des édifices à bâtir par les générations futures.

A l’image d’une jeune femme venue d’un pays lointain, mariée à la République, la génération 1,5 est une bru modèle : bienveillante, appliquée, respectueuse des règles de facto et de jure, elle a apporté à sa belle-famille toute sa détermination et son histoire. Son attitude constructive est d’ailleurs le fil d’Ariane qui a accompagné la longue marche laborieuse de ses aînés de la G1, accueillis et acceptés par la France au siècle dernier. Leurs valeurs éthiques et morales, leur sens des responsabilités véhiculés par une tradition immémoriale, ont permis l’enfantement d’une deuxième génération en harmonie avec le pays de naissance, une génération fière d’être Française et fière de son patrimoine culturel.

Nous vivons dans un monde en perpétuel changement, cependant, l’immuable demeure comme demeurent les lois de la nature. Aller dans le sens naturel pérennise l’harmonie installée. Aller à l’encontre, même si le vrai est vérifié à l’instant présent, fait prendre aux réalisations le risque d’engendrer le mal. Si le changement est permanent, le socle des valeurs, lui, est immuable. Dans la conduite du changement, le procédé est varié. L’homme de peu préfère l’homogénéisation, l’homme vertueux privilégie l’harmonisation, car le facteur clef de succès du changement réside dans la faculté de transformer les contraintes en opportunité.

L’harmonie doit être cultivée, à commencer par la sienne, soi et la famille, puis entre la famille et la société, enfin entre la société et le reste du monde. La famille est le cœur de la société, le cordon ombilical de l’épanouissement et de l’accomplissement de chaque individu. Il est précieux que les liens intergénérationnels, le canal natif de la transmission, soient sanctuarisés avec les attributs du 21e siècle. Une famille détricotée est comparable à la rupture du cordon d’un cerf-volant, l’aéronef ne s’envolera pas, il s’écrasera sur le sol !

Les membres de la génération 2 sont de parfaits Français, ils ont un prénom francisé, chantent la Marseillaise, aiment les châteaux, Chenonceau, Chantilly, ou encore Margaux, Pommard, les châteaux à voir et les châteaux à boire ! Il est illusoire et discourtois de leur poser des questions d’ordre identitaire, ce ne sont que des non-questions. Mais pour toutes les générations confondues, la première préoccupation est d’offrir aux générations suivantes un avenir meilleur. Nous espérons tous que nos enfants nous surpassent, le vert est issu du bleu, le vert est plus lumineux que le bleu. L’intelligence du vert est née de la fusion de la mer et du soleil !

Pour les enfants des immigrés vivant en France, « transmettre les valeurs de la République, c’est trop faible : il faut transmettre l’amour de la France ! » a dit Jean-Pierre Chevènement au mois de janvier 2015. C’est pourquoi la génération 1,5 joue un rôle capital, elle est un témoin éclairé du passage de l’état « reçu » à l’état « accepté » de la G1, elle est un agit agissant pour la reconnaissance de la G2. Elle est parfois l’illustration de l’expression de cette reconnaissance. Le savoir-être de la bru, pour être acceptée et reconnue par sa belle-famille, pourrait être comparé à celui d’une graine avant de devenir un arbre.

Un arbre grand est un havre de paix pour les oiseaux migrateurs, il procure également de la fraîcheur en période estivale. Cependant, sa grande taille peut attirer la foudre ! Mais avant d’atteindre le ciel et de remplir les missions qui lui sont prédestinées, la petite graine doit respecter chronologiquement cinq étapes :

  • Se donner du temps : le processus d’acclimatation est primordial avant la germination, si cette étape est occultée, la graine a peu de chance de survivre.
  • S’enraciner profondément : un ancrage solide suppose l’adoption des nutriments du substrat environnant pour se nourrir, pour grandir et pour se reproduire.
  • S’élever vers le haut : s’élancer en hauteur est indispensable pour avoir de la place et pour chercher la lumière, ce processus est inné dans le règne du végétal doté de force et de conviction.
  • Observer la rectitude : la droiture est le chemin le plus court pour atteindre le zénith, elle est à la fois dans l’intention et dans l’action.
  • Bénéficier du soleil : à l'extérieur du champ d'action volontaire de la graine, une condition céleste qui rythme le monde vivant.

Un jardinier érudit sait très bien que toutes les graines ne germent pas au même moment, que toutes les plantes ne fleurissement pas à la même saison, que toutes les fleurs n’ont pas la même couleur, et que certaines graines ne fleurissent jamais, mais elles peuvent devenir des arbres « gratte-ciel » !

Un enfant futé sait très bien que l’ombre de Peter Pan peut quitter son héros. Mais, aussi longue que l’ombre d’un arbre puisse être, elle ne quitte jamais sa racine.

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