Jésus, Marie, Joseph, c’est bien la laïcité qu’ils veulent mettre en pièces !
Par Henri Huille, président de la Fédération départementale 13 de la Libre Pensée
A Aix-en-Provence, on bénit les calissons en vertu d’une tradition « multiséculaire » qui remonte à 1955… À Marseille, on installe une crèche provençale dans la grande salle d’une mairie de secteur car c’est la tradition, qui existe depuis deux ans !... Prétendue tradition utilisée pour réinstaller officiellement une religion, la catholique. Plus précisément, opération visant à cléricaliser les mairies, représentation de la République.
La mairie, c’est la Maison du Peuple, la maison commune à tous les citoyens, un symbole, celui de la République – laïque, démocratique et sociale – telle que définie par le préambule de la Constitution. C’est une borne à ne pas franchir sous peine de basculer plus ou moins vite dans un autre type de société, fondé sur les communautarismes religieux, ethniques, régionaux.
Une telle société n’est que le prélude à l’explosion.
Cette inacceptable prétention de certains élus à vouloir imposer, via le prétexte des crèches, une religion, comme la religion officielle reconnue par l’État et visible dans les mairies, existe. Mais il faut souligner que cette opération cléricale n’est pas une particularité marseillaise ou provençale. Cela s’est vu à Hénin-Beaumont, à Montpellier, à Melun…
Rien de traditionnellement provençal quand des maires marseillais, de tous horizons, répondent en des termes d’une troublante similarité aux courriers de la Libre Pensée, qui leur demande d’en finir avec ces pratiques antilaïques. Quand ils répondent, c’est au nom du patrimoine culturel et de la tradition, plus ou moins locale, qu’ils font installer des crèches bénies par un curé et où figure au centre la Nativité chrétienne.
Jésus, Marie, Joseph, c’est bien la laïcité qu’ils veulent mettre en pièces !
La Libre Pensée, les laïques de Marseille ou d’ailleurs, ne font pas une fixette contre les santons ! Chacun reste libre de faire des crèches catholiques à la maison, à l’église, dans une boutique. Même liberté d’ailleurs pour ceux qui veulent fêter l’Aïd, le Têt ou autres.
Il faut le souligner à nouveau, encore et toujours : la laïcité est un dispositif juridique établi par la loi du 9 décembre 1905, la loi de Séparation des Eglises et de l’État. La République assure la liberté de conscience, elle garantit le libre exercice du culte. Elle ne reconnaît, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte. Ce qui veut dire que tout citoyen, (y compris les élus, les fonctionnaires, les ministres) sont libres de pratiquer le culte de leur choix sans faire l’objet d’aucun favoritisme et d’aucune discrimination.
L’État, quant à lui, et tous ceux qui le représentent, sont astreints à une stricte neutralité. Le gendarme, le juge, l’infirmière, le maire, le ministre, quand ils sont en exercice, ne doivent pas (ne devraient pas) être suspectés de manifester des préférences ou des détestations en fonction de ses propres options religieuses, ou de ce qu’il croit être les options religieuses du citoyen, du justiciable, du malade…
Cette loi de liberté représente un progrès considérable dans toute l’histoire de l’humanité, elle est garante de la paix civile. Elle est à la base de l’égalité en droit de tous les citoyens. Qu’on fasse tourner la roue de l’histoire à l’envers, que l’on en revienne à la religion officielle, on en reviendrait immédiatement à la différenciation des droits entre citoyens de la bonne religion, de la bonne tradition bien locale, (des citoyens de première classe en quelque sorte) et les autres.
L’arrêt du Conseil d’État de fin 2016 a tranché, suite à des recours faits par la Libre Pensée, et la cour Administrative d’Appel de Marseille a fait de même le 3 avril 2017 : les signes religieux, dont les crèches religieuses dans les mairies, sont contraires à l’article 28 de la loi de Séparation des Églises et de l’État. Les maires de Melun, Hénin-Beaumont, Montpellier, …, ont été condamnés, d’autres le seront à Marseille et en région Provence Alpes-Côtes-d’Azur comme ailleurs. La loi doit être la même pour tous.