Les mythomanes meurent aussi

Encore au conditionnel est une chronique hebdomadaire à prendre au conditionnel.

On dirait que je porte une ceinture explosive. Et dans ma poche, une lettre qui explique tout. Je marcherais dans Barbès et j’irais vers les flics. Je crierais en arabe que Dieu est grand et je sortirais mon grand couteau de boucher. On dirait que tout se passe très vite ou très lentement, on dirait que les deux sont vrais. On dirait que c’est la mort qui fait ça, que le temps, il se tordrait. Il semblerait qu’une balle me tue, on dirait des coups de feu, un, deux, encore.

On dirait que tu as une ceinture explosive, avec un détonateur, on dirait qu’un fil électrique dépasse. On dirait que tu vas te servir de ta feuille de boucher. On dirait que nous sortons nos armes.

On dirait que tu es touché. On dirait que tu ne bouges plus. On dirait que tu es mort. On dirait que tu es arabe. On dirait que tu étais terroriste. On dirait que le cadavre d’un terroriste, c’est toujours un terroriste. On enverrait le robot pour manipuler ta ceinture explosive. On verrait qu’elle était fausse. On enverrait les chiens te renifler. Ils ne sentiraient rien. On lirait ta lettre. On découvrirait que tu y fais allégeance à un homme qui serait le calife. On retrouverait tes empreintes papillaires dans le fichier central. On penserait que tu étais un menteur, ou fou. On hésiterait, on penserait aussi à une naïveté abyssale. On te soupçonnerait encore de chercher la célébrité et l’admiration, une feuille de boucher à la main, de faux explosifs au nombril.

On dirait que tu n’avais pas prévu que le robot s’en moquerait et les chiens aussi. On dirait que loin en Orient, dans des villes au bord du désert, les prêcheurs de l’homme-qui-serait-le-calife te rendent hommage, sans savoir ton nom.

On dirait que Gérard de Villiers t’a inventé pour te faire sitôt mourir au premier chapitre. On dirait que le chapitre s’appelle « Les mythomanes meurent aussi ».