Ma laïcité, la liberté de tous

L’intégrisme, religieux ou politique, voire même athée, consiste à considérer sa propre conviction comme « plus juste » que celle des autres et, fort de cette certitude, à l’imposer aux autres, « pour leur bien ».

Par Alain Persat, écrivain

Je ne suis pas coupable des crimes qu’ont pu commettre mes ancêtres, colonisations, destructions et massacres au nom de religions ou d’idéaux politiques. Et je ne sais pas comment éviter de telles atrocités ni pourquoi nous en sommes arrivés là ?

L’homme a besoin de rêves pour mieux affronter les réalités, besoin de partager des idéaux pour se reconnaître, et les idées, religieuses ou politiques sont des richesses individuelles qui ont une fonction socialisante certaine. Mais ces idées ne peuvent être utilisées pour gouverner, surtout lorsque « la religion », « la cause » deviennent des censeurs intérieurs facilitant répressions, dénonciations, éliminations. Car l’intégrisme, religieux ou politique, voir même athée, consiste à considérer sa propre conviction comme « plus juste » que celle des autres et, fort de cette certitude, à l’imposer aux autres, « pour leur bien »…

Il y a problème si la différence de l’autre cherche à s’imposer à mon quotidien, si cette différence fait courir le risque à mon égo de penser que, peut-être, je n’ai pas raison. Vouloir plier le réel à un idéal de perfection conduit à éliminer toutes les imperfections. Gouverner au nom d'un idéal ou d'une religion conduit souvent au massacre.

Nous sommes tous différents ! Chacun de nous, par ses origines, sa famille, sa région, les aventures de la vie, le hasard des rencontres et des métiers, s’est forgé une opinion ou des croyances, mais, pas de chance ou trop de chance, la différence de nos parcours nous a offert des conclusions différentes. Comment alors vivre ensemble, en harmonie, à partir d’une base de pensées si variée ?

Le but de la loi est bien de permettre le partage d’un même espace vital, que nous partagerons de toutes les façons. C’est un corpus de règles indispensables qui offre la possibilité de vivre ensemble, de prévenir les conflits dans nos rapports sociaux, d’éviter les injustices, de rééquilibrer les inégalités et de réduire les doléances, à la condition qu’il ne puisse exclure qui que ce soit en fonction de ce qu’il est. C’est pourquoi la loi doit se limiter à ne réprimer que les actes nuisant aux autres. Elle ne doit juger que les comportements, jamais les convictions et doit s’appliquer à tous les citoyens, sans faveur ni défaveur.

Les lois ne peuvent interdire nos différences sans imposer des brimades. Pour rééquilibrer ces injustices, elles ne peuvent être faites que pour tous, sans distinction aucune. Si le moindre détail d’un texte de loi favorise ou pénalise une différence quelconque, cela crée une inégalité et discrédite le texte et la nature de la loi, qui doit être impartiale. Face à une inégalité de traitement de deux groupes sociaux, il existe ce choix, favoriser le plus faible en créant une inégalité devant la loi, ou exiger une parité et rendre ainsi l’inégalité hors-la-loi. Cela reviendrait à s’occuper du symptôme au lieu de s’occuper de la cause. Face à la loi, l’égalité consiste à s’assurer que la loi reste égalitaire.

Si le premier rôle de l’État est de permettre de bien vivre ensemble, il apparait logique d’exclure de son texte fondateur, la constitution, tout dogme et toute référence à un groupe quelconque. La laïcité, séparation des religions et de la République, n’est donc pas un dogme, ni même une opinion, c’est un principe logique qui s’impose à tous, sans interdire les luttes pour transmettre ses convictions dans le dialogue. Ne pas combattre, mais débattre. Sans la laïcité, cette noble volonté de transmettre devient une oppression des autres, avec la laïcité, elle devient un enrichissement de tous. Maintenant, si le but est de gagner, de s’imposer, bref de préférer le combat pour ses idées au dialogue avec celles des autres, alors il ne faut pas s’étonner des guerres.

La laïcité permet à chacun de croire à ce qu’il aime croire, de penser ce qu’il veut, et même de l’exprimer publiquement : Elle offre à tous la libertéElle construit l’égalité – Elle bâtit la fraternité.

Mais attention, il faut séparer tous les dogmes, même économiques, des lois de l’État. En son temps, le latin permettait à l’église d’exclure le peuple ordinaire de la compréhension. C’est aussi ce qui s’est passé dans les états staliniens, quand un dogme politique s’imposa aux lois de l’État, considérant comme blasphème ou folie punissable du goulag toute critique du régime. Avec, l’économie libérale, selon moi un véritable dogme, ce type de manipulation se répète, imposant sa vision, contraire aux choix populaires, aux services publics, imposant sa logique aux gouvernements, transmettant sa bible via les « prêtres » embauchés dans les grands médias, qu’ils se sont appropriés.

Alors appliquons d’urgence la laïcité totalement et séparons tous les dogmes, mêmes économiques, des lois de l’État, afin de ne plus mettre hors la loi celui qui pense autrement, et de ne plus mettre la loi au service d’une conviction, même la meilleure.

La laïcité n’est pas une opinion ni une conviction, ni même une valeur, mais une simple règle du jeu, une logique qui permet le jeu démocratique dans la sérénité républicaine.

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