« Nuit debout » : l’assemblée générale des ventriloques

Encore au conditionnel est une chronique hebdomadaire à prendre au conditionnel.

Il est 21 heures, mercredi soir et le programme de la nuit s’affiche sur des bouts de carton. Parmi les propositions, un « séminaire » inattendu qui devait à l’origine se tenir dans un petit théâtre du quartier. Les organisateurs ont décidé d’élargir le public en déplaçant l’événement place de la République et en le rebaptisant « Assemblée générale des ventriloques ».

Et ça marche, à en juger par la vingtaine de badauds et de révolutionnaires qui se sont inscrits pour participer. Le cracheur de feu ne rassemble pas autant de monde, quant au séminaire « Gluten et barbarie », pourtant annoncé depuis trois jours, il est au bord de l’annulation faute de participants.

Parmi les curieux, on croise un Breton insomniaque ; une touriste ouzbèke qui déplore l’usage systématique du français ; un riverain qui loue ses toilettes ; un avocat qui tend sa carte pour se présenter ; une architecte qui a perdu sa mère sur la place et pense la retrouver ici, « parce qu’elle est alesémeur et que je la déniche toujours dans l’endroit le plus improbable ». Bref, un public, un vrai, ce qui réjouit l’homme à l’initiative de l’assemblée et qui se présente sous le seul nom de Tibère.

Les participants qui espéraient du spectacle sont vite refroidis par son sérieux. La marionnette qui accompagne Tibère, sorte de Humpty Dumpty bolivien, reste muette. « La ventriloquie est au moins aussi ancienne que la démocratie.  Platon en parle dans ses dialogues. Elle est même à l’origine du théâtre grâce à Aristophane. » La marionnette hoche la tête, Tibère poursuit : « C’est un art populaire et donc méprisé. Le ventriloque et le pantin servent de métaphore à tout propos. N’est-ce pas Ernesto ? » La poupée approuve à grands coups de menton, l’atmosphère se détend.

Ernesto intervient enfin, d’une voix claire et posée : « Sans parler du ventriloque qui se prend pour sa marionnette. Et vice-versa. On raconte les choses les plus inquiétantes pour éloigner de la ventriloquie, or sachez-le, tout le monde peut devenir ventriloque. Je dirais même tout le monde doit devenir ventriloque dès le plus jeune âge. »

Le propos audacieux est approuvé par quelques-uns. Tibère insiste : « Chacun d’entre nous peut se réaliser pleinement en créant cette relation totale avec un autre, un compagnon aussi vivant que soi-même. C’est le premier contrat social sur lequel doit reposer une communauté humaine. Il n’y a pas de don naturel nécessaire, seulement un entraînement, une éducation, une discipline. » Ernesto poursuit : « C’est dans cette relation primordiale à l’autre que l’individu peut apprendre la base du respect et de l’échange. La ventriloquie est une refondation de l’être, un remariage avec l’humanité en soi, un projet d’existence, et demain une société apaisée et juste. » Une émotion parcourt l’assemblée, et si la nouvelle idée, la révolution espérée s’annonçait là, ce soir, devant quelques témoins privilégiés ?

Ernesto n’est pas venu faire le pitre, il dédaigne le rôle que la société veut lui assigner. Soudain, il est évident que cet être de crin et de mohair incarne non pas une nouvelle fierté mais la fierté éternelle de celui qui dit non. Non, je ne suis pas un triboulet, je suis un être qui parle et qui rêve comme vous, avec un corps comme vous. On était venu rigoler un peu et on se prend à imaginer une société de ventriloques, hommes et femmes, dans la rue, au travail, à l’école, au gouvernement, partout des ventriloques. « Des êtres qui ont accepté l’autre en eux pour accepter l’autre au-dehors. » La nuit passe et les révélations s’accumulent : la diététique exigeante de la ventriloquie libère de la malbouffe, c’est tout le système consumériste qui s’effondre.

Dans l’assistance, on s’essaie à ses premiers mots, on cherche son autre, comme des êtres qui viennent de naître au monde. L’aube se lève au-dessus de République. On s’inscrit déjà pour assister à la prochaine étape : « Ventriloquie et Kâma-Sûtra ».

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