Oyez, oyez !

Quelques dires, interrogations et propos du Sud,posés çà et là. Du lieu de notre entendement. De nos êtres aux événements.

Par Amokrane Mazari

Sommes-nous à la hauteur du débat attendu de, par, sur et entre nos institutions ? Fragilisées par une terreur entretenue, soutenue, ne sont-elles pas portées par des hommes et des femmes tractant ensemble des valeurs diverses et vivantes, les uns tout contre les autres ? Qu’en est-il à ce jour, du Contrat Social ? De la Démocratie ? De la République ? Une République une, indivisible, pure, vertueuse et soucieuse du citoyen ordinaire ? Oui, celle qui libéra le corps des femmes de la servitude publique et sociale, leur rendit la dignité et le droit à la liberté individuelle de disposer d’elles-mêmes (Boris Cyrulnik, Théâtre intime de la honte).

Une République humble ? Qui ne dit mot lorsque son nom est emprunté, son sens détourné, sa place occupée par « Moi la Vertu », qui installe le soupçon, la confusion, l’imposture. Puis, ostensiblement, et avec le plus grand aplomb, ordonne l’ordre du « moi c’est moi ! Et toi tais-toi ! » (Roland Gori, La fabrique des imposteurs).

Une République qui jamais ne cesse de créer de l’espace et du temps à ceux qu’elle a pu égarer ? Celle qui a su dire « toi tu es toi », voir un savoir en « tu es moi, et je suis Toi », et reconnaître « ni toi, ni moi, mais Lui. » Lui, sujet serviteur (Cheikh Khaled Bentounès).

Un sujet sécularisé, serviteur d’une République démocratique où les différences pourraient être des singularités à valeurs d’usages ajoutées d’échanges. Valeurs portées par des sujets de droit. Après avoir été des sujets de devoirs, devenus citoyens par des luttes physiques, d’appartenance et de conscience.

De l’autre côté de la Méditerranée, comme du nôtre, la mer est rouge sang. Des sujets de droit en devenir peuvent-ils encore rêver de se définir par une Constitution ?

Selon Dominique Rousseau (juriste, participant actif à l’élaboration de la Constitution Tunisienne), des débats récents, houleux et transportés, ont transformés la définition de départ de la Femme comme « complémentaire de l’homme », à « la femme, sujet de droit, égale de l’homme sujet de droit ». Ce fût un combat de droit constitutionnel, et pas le seul portant sur la liberté et l’égalité : article 6 - Le droit de changer de religion.

Cela en dit long sur : la capacité à se réformer, les risques intérieurs encourus, les réponses données aux pressions et forces extérieures. Le langage utilisé, les tournures employées, les mensonges, invectives et autres stratégies d’opinions destinées à accroître la confusion, maintenir l’exaltation, légitiment et transforment des êtres en souffrance en meurtriers et terroristes.

Daech le sait. Les apprentis-sorciers du Brexit doutent-ils encore ?

Dominique, à l’instar de Jean-Jacques, nous invite à aiguiser notre discernement et à considérer (avant de dégainer) avec sagesse les richesses que recèleraient des ambigüités, apparentes  contradictions, contradictions véritables. Par exemple cette définition de la démocratie qui serait à l’origine de bien des maux actuels :

« La démocratie est le gouvernement du peuple par le Peuple pour : le Peuple ou le peuple ? » De qui est-il question, du Citoyen ou du citoyen en minuscule ? »

Claude Lefort ajoute à notre réflexion, ceci (à peu de chose près) : « L’interprétation de la déclaration de 1789, qui ne devient constitutionnelle que le 16 Juillet 1971, ne concernerait pas que l’individu. Elle créerait un espace de relations et de délibérations dans lequel les individus produisent des règles ».

Une certaine linéarité aristotélicienne n’en serait-elle pas déboussolée à en perdre son Orient ? Il est des cas, voir des situations de la vie quotidienne, qui nous poussent à avoir une lecture différente de ce que nous aurions pu avoir a priori. En voici quelques exemples vécus.

  • Nous sommes dans une Résidence des quartiers nord de Marseille. Je suis avec une Maman qui, comme toutes les Mamans, a les dealers en horreur. C’est la fin de l’automne, il fait nuit tôt, nous sortons du local. Un bruit de pas coursés rapide s’amplifie dans un silence figé. Un dealer connu et réprouvé notamment par cette Maman est poursuivi par cinq à six CRS. À leurs passages nous sentons leurs souffles rythmés s’évanouir dans la nuit. Les larmes aux yeux, la Maman
    dans un déchirement murmuré à peine audible « Cours mon fils, cours… ».
  • Dans une des ruelles bordant la Canebière, une bagarre entre deux SDF. À l’indifférence des passants s’élèvent deux voix cyniques d’adolescents, lançant pêle-mêle « Oui vas-y », « Mets-lui dessus », « Casse-lui la tête ». Après leur avoir demandé le pourquoi de leur attitude, ils m’ont répondu avec lucidité, maturité et détachement « Oui, c’est vrai ils sont cruels entre eux, malheureusement ce ne sont pas les seuls ».
  • Sur leurs deux roues, ils roulent souvent sur une seule, caracolent, atterrissent sur la chaussée et accélèrent. Cela peut être pris pour une incivilité de plus. Cela peut être lu comme une expression non verbale et publique d’une faculté singulière à la maîtrise d’une machine qui devient elle, ordinaire. Une faculté des sciences singulières de citoyens ordinaires devrait voir le jour bientôt à Marseille.
  • Pour la troisième fois consécutive, la plaque commémorative des massacres du 8 Mai 1945 perpétrés à Sétif, Guelma et Kherrata, apposée le 14 Juin 2014 à 10h, Place Léon Blum, à Marseille, par Mme Sabine Bernasconi, Maire du 1er et 7ème arrondissement, représentant également Mr Jean-Claude Gaudin, Sénateur-Maire, a été dérobée.

Et la Vie Est, toujours de plus belle.

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