Étymologiquement, un produit phytosanitaire agricole s'occupe de la santé des plantes mais, de par son origine latine, caedere, rebaptisé en pesticide, il devient un tueur, sans toutefois trop savoir ce qu'il tue, des insectes, des herbes, des champignons, des parasites ou des hommes.
Pour s'informer sur le sujet, il existe en France à la disposition de tous une liste de produits phytopharmaceutiques homologués, éloquente dès le premier item, un intrant, A-CAPELLA, fongicide à ne pas manger, ne pas boire et ne pas fumer pendant l'utilisation, et aussi à conserver à l'écart des aliments et boissons, y compris ceux pour animaux. C'est une liste officielle pour les spécialistes qu'il convient de manipuler avec toutes les connaissances scientifiques du moment. Mais les connaissances sont parfois maigres, ce que n'a pas manqué de souligner l'ANSES (l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail), à l'occasion d'une Revue systématique de la littérature scientifique disponible sur les expositions aux pesticides des travailleurs agricoles en France.
Dans ce rapport d'expertise collective, datant du mois de janvier 2014, l'ANSES déclarait que, au total, les études épidémiologiques françaises portant sur les effets des pesticides ne fournissent que peu de données sur les expositions aux pesticides, elles ne disposent pas de questionnaires standardisés et validés, et ne recueillent pas les paramètres susceptibles de faire varier les niveaux d’exposition entre les individus. En janvier 2014, le travail d'études et d'information restait toujours à faire.
Depuis, le législateur, conscient des enjeux sanitaires, dans le cadre de la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt, n° 2014-1170 du 13 octobre 2014, a mandaté l'ANSES, afin de réunir un collectif de scientifiques et de créer un groupe de travail de pharmacovigilance (GT PPV), avec l'objectif de surveiller les effets indésirables des produits phytopharmaceutiques (PPP) sur l’homme, sur les animaux d’élevage, dont l’abeille domestique, sur les plantes cultivées, sur la biodiversité, sur la faune sauvage, sur l’eau et le sol, sur la qualité de l’air et sur les aliments, ainsi que sur l’apparition de résistances à ces produits.
Pendant ce temps, le consommateur de mirabelles s'interroge : peut-il les consommer et profiter de leurs bienfaits, de leur énergie, de leurs vitamines, ou faut-il qu'il s'inquiète de leur histoire arboricole ? Et les fruits de saison alors ? Existe-il une institution à même de fournir une information fiable, accessible ? Est-il possible de se renseigner auprès de son revendeur sur les traitements classiques des produits phytosanitaires utilisés par les producteurs ? Serait-ce normal de pouvoir le faire, d'être informé des possibles réponses identifiées par le groupe d'experts pharmacovigilants ? Sachant que depuis le mois de juillet 2015, l'ANSES, à la fois juge et partie, est devenue l'autorité en charge de délivrer les autorisations de mise sur le marché des pesticides.
Le consommateur est-il condamné à acheter ses fruits dans l'ignorance, embarqué malgré lui dans un train en retard, ou trop en avance si l'on s'alarme des effets des pesticides sur la santé de l'homme ? Ce flou sera-t-il levé un jour ou faut-il attendre la prochaine récolte ?