Portrait de la politique par Jean Lassalle et Frédérique Bedos

"Les votes blancs, ces calmes révoltés que le système déconsidère à tort, sont des citoyens avec lesquels il faudra construire. En France, il existe de nombreuses forces prêtes à participer à un renouveau démocratique. Beaucoup d’esprit sont déjà d’ailleurs en route. Et personne ne pourra empêcher cette marche." JL

Conversation avec Jean Lassalle, député non inscrit de la 4ème circonscription des Pyrénées-Atlantiques, candidat à l’élection présidentielle de 2017, et Frédérique Bedos, fondatrice du projet Imagine, ONG d’information. Propos recueillis par Thierry Vincent

Jean Lassalle, quelles raisons vous ont poussé à vous déclarer candidat à la prochaine élection présidentielle ?

Jean Lassalle. Je n’ai pas pu faire autrement. J’ai compris que mes précédents engagements n’étaient pas suffisants pour répondre aux aspirations de changements que j’ai vues naitre tout autour de moi depuis des années. Déjà, en 2011, j’avais annoncé dans un livre au titre éponyme, « Le retour du citoyen ». Un retour dont le pays entier ressent aujourd’hui l’impérieuse nécessité. Mais ces mouvements peinent à trouver les formes et les outils pertinents qui redonneront à la politique et à ses acteurs les moyens d’agir concrètement sur la vie publique. Il y a trop de colère, pas assez d’écoute ni de confiance. J’ai pu m’en rendre compte lors de la marche de 5.000 km que j’ai effectué dans le pays, en 2013, pour recueillir les paroles des citoyens venus à ma rencontre. Le premier réflexe de nos concitoyens est la colère alors que, une fois le dialogue engagé, chacun aspire et croit encore à un changement qui tienne compte de tous. Personnellement, je crois que l’on ne pourra rien construire de solide sur une telle colère. Il faut autre chose, réussir à animer la démocratie différemment.

En tant qu’élu et en tant que citoyen engagé, c’est un questionnement que je ne peux pas écarter de ma route ou, si je l’avais fait, il m’aurait fallu abandonner la politique. Cela a donc été une décision difficile, solitaire, car elle engage aussi mes proches, ma famille, mes amis. En la prenant, elle m’a rappelé les conseils de mon père, berger, qui me disait : « si tu dois faire une longue marche, assieds-toi sur un caillou et prends le temps de réfléchir jusqu’à exaspérer ton entourage de ton incertitude, jusqu’à prendre une vraie décision ; après, tu verras, tu auras fait le plus dur ».

J’ai compris que je devais être prêt à m’adapter à toutes les circonstances, en alerte pour essayer de trouver les leviers qui nous permettent de retrouver notre liberté. Je ne pouvais pas me permettre d’avoir le cerveau bloqué par le doute, le corps agité comme un moteur qui se grippe mais que l’on ne peut pas démonter pour le réparer. Je devais être serein, serein car déterminé. En effet, la sérénité déroute ceux qui veulent te combattre. Ils ne savent plus comment t’appréhender. Est-ce qu’il faut te chasser comme un lion ? Ou te capturer comme un ours ? Lorsque vous parlez un langage différent, avec des mots qui ne cherchent pas à séduire pour réclamer un accord sans aucune contrepartie, vous êtes rapidement mis de côté, pris pour un gêneur, un empêcheur de gouverner en rond. Tout est alors fait pour que personne ne vous écoute ni ne vous prenne au sérieux, bien que vous ayez des choses d’importance à partager, comme un air de printemps démocratique.

Frédérique Bedos, pour votre ONG d’information Imagine, un parcours comme celui de Jean Lassalle, fait-il de lui un héros imagine ?

Frédérique Bedos. Ce qui est intéressant en écoutant jean Lassalle, ce qui est flagrant, c’est d’entendre le décalage total entre ses propos et le discours politique dominant. Il nous parle d’indépendance, de sérénité, de lion, son vocabulaire, poétique, original, décalé, n’a rien à voir avec celui auquel les gouvernants nous ont habitués. Contrairement à la plupart de ses pairs, Jean Lassalle parle spontanément au cœur de ses interlocuteurs, il prend le risque de s’exposer sans devenir un animal politique, comme tant d’autres, ce qui est en soi une performance, tout à fait dans l’esprit du Projet Imagine, créé il y a maintenant six ans.

Le Projet Imagine est né parce que je suis persuadée du besoin de mettre en lumière des discours alternatifs, des histoires et des expériences portées par des valeurs humanistes qui sont celles de femmes et d’hommes, des bâtisseurs de projets, et pas celui d’un microcosme ou d’une pensée que l’on a pris l’habitude d’entendre sans plus l’écouter. Le Projet Imagine est une ONG d’information nécessaire car il faut armer le peuple, lui donner les outils pour qu’il puisse s’exprimer et être entendu. Depuis des décennies, on a coupé les bras et les jambes des citoyens, on a bâillonné les français. Tant de mépris et de cynisme n’est plus possible. La colère, malheureusement de plus en plus intense, une colère qui fait du mal au pays et à ses habitants, ne doit pas être l’unique voix entendue, le dernier moyen pour les citoyens de s’exprimer. Quand on a peur, l’intelligence se terre et la division, la haine, prennent le dessus. Il y a vraiment urgence à ce que nous soyons très nombreux à choisir avec détermination le meilleur.

Jean Lassalle. Après avoir rencontré tant de gens en difficultés, je reste intimement persuadé qu’il y a au sein de chacun d’entre nous une partie de printemps qui sommeille. Et nous avons besoin de ce printemps. Nous ne pouvons pas y renoncer. La loi du plus fort, qu’elle soit financière ou autre, doit être soumise aux intérêts de la République. Mais je sais également que nous n’avons jamais réussi dans notre historie à faire ce changement d’une manière paisible, passer d’un hiver rigoureux à un printemps rieur. Moi, je souhaite être le premier président à assurer en douceur ce passage capital pour notre avenir. Je suis convaincu que si nous pouvons le réussir chez nous, il inspirera l’Europe entière, comme la révolution française en son temps a pu le faire, d’une façon que j’aimerais que nous évitions.

Vous seriez l’homme des mutations pacifiques ?

Jean Lassalle. En étant candidat, j’ai pris une décision difficile, mais j’ai la volonté inébranlable de ne pas m’en laisser compter. J’ai confiance. Les votes blancs, ces calmes révoltés que le système déconsidère à tort, sont des citoyens avec lesquels il faudra construire. En France, il existe de nombreuses forces prêtes à participer à un renouveau démocratique. Beaucoup d’esprit sont déjà d’ailleurs en route. Et personne ne pourra empêcher cette marche.

Frédérique Bedos. Nous sommes à la croisée des chemins et nous devons tout mettre en œuvre pour diffuser des messages d’espoir puissants capables de transformer l’actuelle colère en un mouvement constructif. Vous l’avez dit, nos printemps n’attendent que d’être encouragés pour se révéler et les solutions ne viendront pas des puissants. Nos fragilités doivent être assumées. À chacun de reconnaître le meilleur et d’agir avec détermination. Pour ma part, je réalise les portraits de héros anonymes pour montrer des sources d’inspiration concrètes, stimuler l’enthousiasme. La seule question que je me pose, c’est comment clarifier ce message ? Je ne crois pas à un homme ou une femme providentiels, plutôt à une personnalité politique digne de ce nom, susceptible de révéler le potentiel des français en les fédérant en une grande force démocratique.

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