Pourquoi les GMS (Hyper, etc) singent les commerces de proximité ?

Entretien avec Pascal Malhomme, président de la Fédération Française Droguerie & Bazar (FFDB) et vice-président de l’Union Nationale des PME du Commerce (UNPMC).  Propos recueillis par Jacqueline Deneuve

Quel intérêt les Grandes et Moyennes Surfaces (GMS) auraient-elles à copier les modes opératoires des petits commerces ?

Lorsque l’on est un commerçant, il ne faut jamais perdre de vue les attentes de sa clientèle. Un commerce prospère est toujours tenu par un commerçant à l’écoute des besoins de ses clients, un professionnel capable de les anticiper, attentif au contexte, la ville ou le village au sein duquel il exerce son activité. Cet état d’esprit est l’essence même du commerce de proximité qui se pratique en osmose avec un environnement. Avec le commerce de proximité et tout ce que cela implique de participation à la vie de la collectivité, le célèbre adage du client roi est une réalité, le client est vraiment roi pour le magasin installé à deux pas. Et c’est cette règle d’airain que souhaitent aujourd’hui mimer à leur façon les GMS.

Pourquoi cela ?

Après des décennies d’une forte croissance hexagonale, puis d’un développement tourné vers l’Europe et l’Asie, les GMS sont à la recherche d’un nouveau credo pour maintenir leur haut niveau de rentabilité en profitant de leur taille. Ils ont eu beau essayer d’humaniser leurs « cathédrales », de consolider leur hégémonie, ils ont dû faire face à une récession des ventes car les consommateurs ont acquis de la maturité en même temps que les modes de consommation ont évolué.  En effet, l’ère de la grande consommation aveugle, de la nouveauté pour la nouveauté, est derrière nous. Désormais, les clients attendent des professionnels une information et un produit fiables, ils apprécient qu’une expertise les accompagne en connaissance de cause durant leurs achats, ce qui est le propre du commerçant de proximité.

Croyez-vous que le commerce de proximité puisse contrer la concurrence des GMS ?

Oui et je m’emploie activement à l’y aider. Nous ne voulons plus jouer en défense, nous avons déjà tiré les enseignements des constats qui s’imposaient et mis en route des solutions pour aider nos adhérents à rendre plus visibles leurs métiers et leurs compétences. Je n’oublie jamais que c’est aux clients que la décision finale appartient.

Est-ce une réelle menace pour ce type de commerce, l’arrivée des GMS ?

Cela dépend, si les GMS s’appuient sur leur puissance financière pour acheter des pas de porte et occuper le terrain en imposant à terme aux consommateurs un choix très relatif de produits, cela me pose problème. Ce n’est pas ma culture et je ne cautionne pas un développement qui capte presque mécaniquement les richesses en imposant à tous ses propres logiques sans aucune contrepartie. Je suis pour défendre la qualité des produits, les circuits courts et les savoirs faire locaux, en maintenant des prix concurrentiels.

Il est clair que plus les petits patrons du commerce disparaîtront et plus leurs homologues industriels, qu’ils font travailler avec les artisans également, sortiront de l’équation au détriment de la richesse et du dynamisme des territoires. Pourtant, ce sont bien eux qui animent la vie économique et sociale d’une région. Ce ne sont pas les GMS qui viendront créer des liens durables avec leur environnement socio-économique, elles préfèrent souvent sous-traiter à d’autres entreprises, qui leur appartiennent déjà.

Mais je ne suis pas pessimiste. Je crois fondamentalement que la valeur ajoutée du commerce de proximité, dépend de sa capacité à mettre en avant ses atouts, le respect d’un écosystème local et une formidable expertise des produits et des clients.

Si je prends l’exemple de la droguerie, dans une grande surface, ce qui n’est pas cher est toujours trop cher. En revanche, avec le conseil avisé d’un homme de l’art, un client n’aura pas à acheter trois produits différents avec l’inconvénient de se retrouver le porte-monnaie vide avec un placard encombré de flacons et d’emballages inutiles parce que mal choisis. C’est tout l’intérêt d’un conseil qui engage celui qui le donne. Une question de sens de la responsabilité.

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