"Assister une personne malade ou dans un très grand âge induit nécessairement de s'oublier soi-même", témoigne Guy Alboussière (membre de l'association française des Aidants).
Ils sont pratiquement 10 millions de nos concitoyens qui pratiquent en silence une solidarité vis-à-vis de personnes vulnérables. Ce sont bien souvent des proches, des familiers ou des bénévoles, des aidants. Individuellement, ils affrontent les grands défis de notre société, le vieillissement de la population, l'allongement de la durée de vie et les maladies afférentes. Seuls, ils représentent une économie pour le système de santé d'environ 164 milliards d'euros.
Mais qui aujourd'hui se rend compte de la réelle valeur de la contribution de ces personnes ? Qui mesure la nécessité de mobiliser des professionnels pour suppléer ces bénévoles ignorés des institutions, vivant avec un sentiment de solitude, sans visibilité pour l’avenir, ce qui constitue un facteur majeur de vulnérabilité ?
Assister une personne malade ou dans un très grand âge induit nécessairement de s'oublier soi-même, de transformer le domicile, devenir acrobate des rendez-vous, d'assurer physiquement, psychologiquement et financièrement, pour être finalement assigné à résidence par amour, pour rendre la vie plus douce à un de ses proches.
C'est une charge lourde et contraignante - il n'y a pas de pause avec la maladie ou l'âge - répétitive et usante pour celui qui la porte. Et elle est à peine valorisée quand elle n’est pas tout simplement présentée comme un acte obligé. La société doit donc faire sa révolution culturelle dans ce domaine, s’organiser pour détecter au plus tôt ces tandems anonymes, les faire sortir de l'ombre afin de les accompagner au mieux avant que les situations de chacun ne deviennent urgentes et dramatiques. En effet, il semble naturel au départ pour le proche, l'époux, l'épouse ou l'enfant de la personne aidée, de faire de petites choses : apporter un verre d’eau, mettre des pantoufles, faire la vaisselle, nettoyer la maison, jusqu'au moment où, incidemment, la situation ne peut plus être gérée par une seule personne, aussi dévouée soit-elle, car les besoins se sont faits plus personnels (aide à la toilette, accompagnement au WC...), plus complexes.
Cette détection des couples aidants/aidés devrait faire l’objet d’une obligation de signalisation de la part des professionnels de santé (au premier chef les médecins référents, mais aussi les spécialistes, les pharmaciens, les cabinets infirmiers), signalisation qui devrait être centralisée localement dans les CCAS (Centre Communaux d’Actions Sociales) de manière à ce que chaque commune et en particulier les élus puissent organiser une solidarité concrète locale. Ensuite, ces informations devraient être regroupées au niveau départemental dans les MDPH (Maison Départementale des Personnes Handicapées).
Ainsi toute personne devenue sans le savoir un aidant pourrait être épaulée en bénéficiant au bon moment d'un soutien, pour maintenir efficace son aide, les instances ayant été informées au préalable.