Rien ne s'oppose aux drones

Le drone est un objet à fort potentiel, médiatique et politique. Avant le premier Ministre Manuel Valls, vendredi 2 octobre dernier, Eugène Caselli, président de Marseille Provence métropole, l'invoquait déjà, en 2013, lors d'un débat sur France 3 pour les primaires socialistes : je demande à l'État de faire de Marseille un véritable laboratoire contre le crime, un laboratoire avec de nouveaux moyens technologiques. Maintenant, on a des drones, et on va s'en servir.

Deux ans plus tard, ce sera le Comité interministériel de la sécurité routière (CISR), présidé par Manuel Valls, qui s'en servira pour camper l'image de la fermeté, de la répression à l'encontre des conduites à risques, avec l'annonce, parmi 22 autres mesures, de la mesure n°5, expérimenter l’utilisation de drones au service de la sécurité routière.

Il est vrai que le drone présente bien des avantages. Il peut embarquer à son bord des caméras et des microphones, enregistrer tout ce qu'il voit sur son passage en suivant automatiquement des trajectoires, ou être repris en main par un opérateur en cas de besoin.

Le drone est un objet connecté ambigu, qui a fait ses preuves dans l'armée pour des missions de renseignement. Il est connu pour être un jouet assez subversif à l'utilisation encadrée par deux arrêtés, le 11 avril 2012, l'un relatif à l’utilisation de l’espace aérien par les aéronefs qui circulent sans personne à bord, l'autre relatif à la conception des aéronefs civils qui circulent sans aucune personne à bord, aux conditions de leur emploi et sur les capacités requises des personnes qui les utilisent. Mais il est aussi reconnu pour être une arme de guerre efficace.

Ruben Pater, designer aux Pays-Bas, auteur du guide de survie aux drones, est explicite à ce sujet : nos ancêtres pouvaient repérer leurs prédateurs naturels de loin par leurs silhouettes. Mais sommes-nous autant conscients des prédateurs de notre temps ? Les drones sont des aéronefs télécommandés pouvant être utilisés pour tout et n’importe quoi, de la reconnaissance à l’usage d’une force mortelle, des missions de sauvetages aux recherches scientifiques. Aujourd’hui, la plupart des drones sont utilisés par les puissances militaires à des fins de reconnaissance et de combat exécutées à distance, et leur nombre s’accroit.

Le test des drones le long des routes au nom de la sécurité routière démarre ainsi une expérience de surveillance à grande échelle, qui normalise le fait d'être observé, géolocalisé et vu sur écran à chacun de ses déplacements. Ce test légitime politiquement, en quelque sorte, le braquage de vies privées toujours suspectées d'une infraction.

Google n'a pas hésité à numériser l'espace public avec le programme Google Street View, sans vraiment se soucier de l'article 9 du Code civil - chacun a droit au respect de sa vie privée. Après tout, pourquoi l'État se priverait d'essayer une surveillance aérienne des axes routiers ?

Rien ne s'y oppose. L'article 226-1 du code pénal stipule bien qu'une surveillance accomplie au vu et au su des intéressés sans qu'ils s'y soient opposés, alors qu'ils étaient en mesure de le faire, le consentement de ceux-ci est présumé.

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