Salades et perturbateurs endocriniens

La formule est connue du public, la laitue tue. Et ce n'est pas à la bonne fortune de la rime pauvre qu'elle doit son succès, plutôt à la présence sur les feuilles de salade de pesticides perturbateurs endocriniens, dont l'alarmante toxicité a été décrite dans un rapport d'information, déposé le 25 février 2014 par la commission des affaires européennes, sur la stratégie européenne en matière de perturbateurs endocriniens.

La laitue est sur la sellette, mais elle n'est pas la seule. Après la nouvelle enquête menée par l'association Générations Futures sur un échantillon de 31 légumes-feuilles analysé pour identifier la présence de résidus de pesticides, les autres salades, feuilles de chênes, frisées, batavias, scaroles et roquettes, peuvent désormais s'inscrire à un concours de poésie et trouver la rime qui assurera leur notoriété. En effet, les résultats indiquent une moyenne de 80,65 % des échantillons avec au moins un résidu de pesticide et 77,41 % avec plusieurs, sans toutefois dépasser les actuelles limites maximales autorisées. De plus, 16,13 % des échantillons présentent une matière active interdite, comme du DDT, symbole de la modernité et du progrès en matière d'insecticide, avant d'être interdit dans les années 1970.

Ce sont les cancers en augmentation et la multiplication des cas d'infertilité qui ont conduit les scientifiques à s'intéresser aux perturbateurs endocriniens et à découvrir pour une partie d'entre eux que la prévalence des maladies endocriniennes est plus élevée que jamais et la morbidité continue de croître dans l’Union européenne comme dans le reste du monde. Ce point était le premier constat sur dix de la déclaration de Berlaymont, manifeste signé en nom propre, le 24 mai 2013, par 89 scientifiques de renommée mondiale, spécialisés sur le sujet et à l'origine d'une mobilisation internationale. Invitant la Commission européenne à réagir, le second point soulignait que les facteurs environnementaux, notamment les expositions chimiques, jouent manifestement un rôle dans ces phénomènes, les éléments scientifiques tendant à le prouver s’accumulent.

Il faut dire la Commission européenne était attendue le 14 décembre 2013 au plus tard (point 3.6.5. du règlement 1107/2009, à propos de la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques) pour présenter au comité permanent de la chaîne alimentaire et de la santé animale, des propositions de mesures concernant les critères scientifiques spécifiques pour la détermination des propriétés de perturbation endocrinienne. Il s'agissait d'établir, sur une base scientifique, les règles communautaire à partir desquelles une substance considérée comme ayant des effets perturbateurs endocriniens pouvant être néfastes pour l’homme ne pouvait être approuvée.

Malheureusement, les années ont passé et le consommateur continue à être exposé à son ignorance et à une véritable soupe de produits chimiques, les fameux critères des propriétés de perturbation endocrinienne de la Commission européenne n'ayant pas été officialisés, ni hier ni aujourd'hui. 

La soupe à la grimace ou, d'après les recommandations des 5 fruits et légumes par jour du Programme National Nutrition Santé (PNNS), la salade de fruits, n'a pas fini d'être servie, bien que le consommateur aimerait entendre les maraîchers crier sur les marchés : mangez de la salade ! Vous ne serez jamais malades !

Une rime pauvre pour une santé de fer. Une issue politique bienvenue à cet enjeu alimentaire de premier plan, si jamais la Commission européenne...

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