Soumettre la question à la société civile

Dans un entretien mené par Jean Birnbaum publié dans l'édition du Monde du 28 août 2015, Christine Angot, évoquant son dernier roman, Un amour impossible, aux éditions Flammarion, déclare à propos de la mère de la narratrice violée par le père : (...) je crois qu'on peut lui reprocher d'avoir fait confiance aux institutions, aux lois, au droit... Je ne dis pas que ce n'est rien. Mais leur faire confiance, c'est une folie. Qu'on ne me demande pas à moi de leur faire confiance. Ils sont incapables de recueillir le vrai, une parole vraie, le maximum de leur compétence, c'est le témoignage. Autant dire la soumission à la question.

L'histoire de la torture au Moyen Âge, avec la question, préparatoire ou préalable, pratiquée jusqu'au XVIIIe siècle, illustre de façon radicale ce rapport de force. Celui qui dirige les débats établit une vérité induite par son statut d'autorité. Ne mène-t-il pas l'interrogatoire à ses conditions ? Le propos de Christine Angot pointe avec justesse une problématique aussi ancienne que l'origine de la presse, puisque si l'on se réfère à ce même raisonnement, aucune question n'étant innocente ni exempt d'enjeux de pouvoir, par ricochet, aucune information publiée n'échappe à ce rapport de force. A moins de croire que le dernier mot laissé à un lecteur actif rectifiera ce déséquilibre et créera les circonstances d'un échange en bonne intelligence. Muni de ses propres informations et analyses, ce tiers citoyen manifesterait ainsi son désir de faire de la politique au nom de la société civile.

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