Troc sportif, faire d'un jeu une politique

Le sport cache bien son jeu. Défini comme un ensemble d'exercices physiques se pratiquant sous forme de jeux individuels ou collectifs pouvant donner lieu à des compétitions, sa pratique a largement tordu le cou à sa définition. De fait, la politique n'hésite pas à en faire un allié, le couvrant de vertus propres à aider à résoudre de délicates problématiques de société. On le retrouve dans les articles du traité européen de Lisbonne et au chevet du plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale, adopté en France, le 21 janvier 2013, lors du comité interministériel de lutte contre les exclusions. Il est l'armature d'un guide pour les acteurs engagés dans la politique d’inclusion sociale et de correction des inégalités d’accès à la pratique sportive quelqu’en soit les causes, et la raison d'être de l'Agence pour l'éducation par le sport (APELS), une association créée pour valoriser et faire reconnaître l'utilité du sport en tant qu'outil d'éducation et d'insertion.

Christian Philip, le président, et Jean-Philippe Acensi, le fondateur et délégué générale de l’APELS, n'en démordent pas dans leur éditorial du programme du 8e forum Éducasport qui se déroulera à Lyon, le 25 et 26 septembre 2015, le sport et l'esprit collectif sont les outils pour affronter les réalités complexes et difficiles à admettre de la société française, notamment pour notre jeunesse : chômage des jeunes, échec scolaire, inégalités sociales de santé.

A les écouter, le sport est assurément un sacré remède. Une molécule politique redoutable, à la posologie variable selon les circonstances. D'ailleurs, ce n'est pas pour rien si le sport mobilise, éduque, intègre, valorise et passionne autant ses thuriféraire que ses détracteurs qui, il faut bien l'avouer, sont moins nombreux. Le sport  n'aimant pas les discriminations, écoutons la voie dissidente de l'un d'entre eux, l'auteur du pamphlet Contre le sport, Gustav Caroll :

Le sport moderne est apparu  sous le jour anodin et estival d’un trompe-l’ennui, imaginé par des aristocrates en pantalons blancs. Un siècle et quelques décennies plus tard, il promet de devenir la principale activité humaine. Longtemps ministère croupion du gouvernement, il ridiculise désormais la politique avec son propre jeu d’influences et de servitudes. C’est une plus grande source de métaphores que la lune, le soleil et la mort. Il est aussi  le programme naturel de la télévision, l’opportunité la plus certaine de liesse et de saoulerie, une manifestation gratuite du patriotisme, l’ultime incarnation de la culture populaire, la matrice à imageries la plus prolifique, une branche entière de la médecine, le style vestimentaire universel, la plus grosse pagination des journaux, la vocation des enfants, le marché d’avenir de l’industrie, l’argument préféré de la publicité, le seul rival du sexe sur internet, le surmoi des obèses et des asthmatiques, le carnet de bal de la police anti-émeute. (...)

Le sport est bon pour l’individu et pour la société. Les émeutes autour des stades ? La destruction des corps, leur escamotage ? La corruption généralisée ? Ce n’est pas le sport. Non, pour ses partisans  ce n’est jamais le sport qui corrompt la société mais la société qui abîme le sport, avec sa vilaine politique, son sale argent, ses passions honteuses. A entendre leurs arguments, qui ne forment que rarement plus d’une phrase donc, le sport est une trêve, un endroit idyllique où les hommes se souviennent qu’ils sont tous frères et la violence, une horreur. Une merveilleuse école du dépassement de soi et du respect de l’autre.

Une phrase pour définir le sport en politique ? Le 8e forum Éducasport en propose une : jouons collectif ! Mais il ne dit pas encore comment faire.

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