Un socialiste : "la parole doit être donnée à chacun"

Entretien avec Rémi Féraud, membre du parti socialiste, Maire du 10ème arrondissement de Paris.

 « Outre la nécessité de laisser tout le monde s’exprimer, il est en même temps important de faire comprendre aux citoyens que la concertation n’implique ni unanimisme ni droit de veto. »

Pourquoi, dans votre arrondissement, vous attachez-vous à faire vivre la démocratie locale ?

En 2001, quand Paris a changé de majorité, nous avons interrogé ses habitants. Nous nous sommes alors aperçu que leurs motivations étaient moins de mettre fin aux affaires qui avaient émaillé les mandats de Jacques Chirac et Jean Tiberi que leur volonté de participer à la transformation de leur ville. Ce qui importait avant tout, à leurs yeux, c’était de pouvoir intervenir dans leur vie concrète. En outre, dans le 10ème arrondissement, la démocratie locale était historiquement assise sur la vie associative avec un esprit frondeur qui, sur le plan urbanistique, par exemple, se traduisait par une opposition aux projets chiraquiens. À cet égard, la volonté de sauver un jardin public, le jardin Villemin, que l’ancienne majorité voulait faire disparaître, a été largement à la base du basculement de l’arrondissement vers la gauche en 1995.

À cette vie associative demeurée forte, s’est ajoutée, à partir de 2002, l’application de la loi Vaillant sur la proximité et la création des conseils de quartier devenus dès lors pour nous la base de notre démocratie locale.

Que sont ces conseils de quartier et comment fonctionnent-ils ?

Au nombre de six dans l’arrondissement, ils sont ouverts à tous les habitants du quartier concerné. Ils regroupent chacun une cinquantaine de personnes qui se réunissent en séance plénière une fois par trimestre autour de cinq à six animateurs qu’ils se sont ont choisis en leur sein et en présence de deux élus référents. Parfois, plusieurs conseils se regroupent lorsque le sujet abordé leur est commun comme ce fut par exemple le cas sur le projet de transformation de l’hôpital Lariboisière. Sinon, force est de constater que les thèmes les plus souvent récurrents relèvent de la propreté et de la sécurité. Quoi qu’il en soit, tout projet d’aménagement proposé par la mairie est obligatoirement soumis à ces conseils qui sont également pour nous, élus, un moyen de nous alerter sur ce qui se passe dans les quartiers. En prenant ainsi en compte des éléments d’usage dont nous n’avons pas forcément connaissance, cela nous permet d’éviter de commettre des erreurs.

Concernant le fonctionnement des conseils, je suis très attaché au respect de la sérénité des échanges. De même, la parole doit être donnée à chacun et pas monopolisée par les animateurs. D’où le vote prochain d’une charte des conseils de quartier destinée à en faciliter l’émergence.

Par ailleurs, chacun d’entre eux dispose en mairie d’un espace d’affichage qui leur permet de s’exprimer et de rendre compte aux habitants de leur activité. En outre, ils se voient attribuer un budget de quelques milliers d’euros afin, notamment, d’éditer ces comptes rendus et de les distribuer sous forme de tracts.

Existe-t-il d’autres structures susceptibles de favoriser la démocratie locale ?
Nous en avons créé plusieurs autres. Je peux d’abord citer l’institution en 2008 d’un conseil des seniors. Son but est que, dans un arrondissement jeune et branché comme le nôtre, cette catégorie de personnes ne soit pas marginalisée et puisse s’inscrire dans le mouvement local. Ensuite, et c’est tout nouveau, la création d’un conseil local du handicap afin de contribuer à faire du 10ème un arrondissement accueillant pour tous. Enfin, nous avons le projet de constituer un conseil d’enfants composé d’élèves de la fin des classes élémentaires au début du collège. Nous constatons en effet que les enfants ont une perception de la réalité quotidienne souvent plus aiguë que les adultes.

Vous avez également mis en place ce que vous appelez un budget participatif. De quoi s’agit-il ?

À l’échelle de Paris, il a été proposé au début de l’année dernière à tout citoyen, exception faite des élus, de proposer, soit par courrier soit sur le site de la ville, la mise en œuvre d’un projet d’investissement. Seules conditions : relever de la compétence municipale, ne pas s’opposer à la politique générale définie par la ville et ne pas impliquer un coût de fonctionnement trop élevé. Ensuite du 10 au 26 septembre, tous les habitants ont été appelés à choisir leurs projets préférés, d’une part pour Paris, d’autre part pour leur arrondissement. Deux moyens étaient mis à leur disposition : par internet ou par dépôt d’un bulletin dans une des nombreuses urnes installées un peu partout dans les rues. Ce fut un grand succès puisque 5 000 habitants du 10ème, soit 10 % du corps électoral, ont voté. Sur la vingtaine de projets relatifs à l’arrondissement, huit ont été ainsi retenus. Ils vont du réaménagement d’une rue très passante, la rue du Faubourg Saint-Martin, pour un budget de 500 000 euros, à la rénovation d’une salle de danse pour 15 000 euros. Au total, il en coûtera 1,9 million d’euros, soit 30 % du budget d’investissement de la mairie du 10ème. Ensuite, chacun des huit projets élus par les habitants sera l’objet de concertations avec la population concernée avec l’objectif de les mettre en ouvre dès 2017.
Quelles sont les principales difficultés que vous rencontrez pour faire ainsi fonctionner la démocratie participative ?

Le plus difficile est certainement d’informer et de mobiliser. Bien que les résultats que je viens de décrire soient encourageants, ils ne sont pas encore satisfaisants. Notre ambition, en effet, est que les Parisiens adoptent ce concept de la concertation et s’y inscrivent de manière pérenne. Ce n’est pas encore gagné. Une autre difficulté réside dans le comportement des citoyens. Outre la nécessité de laisser tout le monde s’exprimer, il est en même temps important de leur faire comprendre que la concertation n’implique ni unanimisme ni droit de veto.

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