Un ultimatum laïque somme les religions

Le mardi 3 février 2015, Reporters Sans Frontières (RSF) a initié une campagne nationale intitulée "La liberté d'expression n'a pas de religion". A cette occasion, RSF propose aux responsables des lieux de culte de toutes les religions en France de signer leur Proclamation en faveur de la liberté d'expression précisant que (...) certains peuvent se sentir offensés ou blessés par la critique de leurs croyances, notamment sous la forme satirique. Mais la liberté d'information et d'expression, celles des journalistes comme des citoyens, ne saurait être contrainte ou limitée par les convictions ou les sensibilités des uns ou des autres. Ce sont les conditions du respect du pacte républicain et des droits de tous dans une société démocratique pluraliste et tolérante. Nul ne peut imposer sa conception du sacré.

Une Proclamation d'emblée soutenue par un comité de personnalités telles que la présidente de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH), Catherine Lazerges, la vice-présidente, Catherine Teitgen-Colly, le président du Conseil économique, social et environnemental Jean-Paul Delevoye (CESE), l’essayiste Elisabeth Badinter, l’avocat Robert Badinter, le philosophe Abdennour Bidar, le psychanalyste Fethi Benslama, l’anthropologue des religions Malek Chebel, la philosophe Cynthia Fleury, l’historien et journaliste Jacques Julliard, le journaliste Philippe Labro, l’avocat Henri Leclerc, l’avocat Richard Malka, le politologue Pierre-Emmanuel Moog, l’essayiste Alain-Gérard Slama, l’écrivain Philippe Sollers, le sociologue Alain Touraine et le mathématicien Cédric Villani.

Cette pétition, perdue parmi toutes les pétitions lancées régulièrement par Reporters Sans Frontières, au point de rester presque invisible sur le site Internet de RSF, a un seul et unique mérite, celui de souligner la faiblesse de la mobilisation des institutions censées représenter et défendre la laïcité. Dans le cas présent, une association se fait le héraut de la liberté d'expression face à tous les responsables des lieux de culte de toutes les religions en France, appelés à approuver sans tarder une liberté déjà garantie par la loi française et la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Est-ce une naïveté de la part de RSF ? Ou faut-il s'inquiéter des acquis constitutionnels français ? Peut-être s'inquiéter avec le philosophe T. W. Adorno écrivant dans un article sur la morale de la pensée : (...) La réflexion qui prend le parti de la naïveté se condamne elle-même : la rouerie ou l'obscurantisme cela revient au même en définitive.

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