Une gerbe pour la laïcité

8 mai 2015, les communes de Bougival et de La Celle Saint-Cloud dans les Yvelines conviennent d’organiser une cérémonie commune pour commémorer le 70ème anniversaire de la fin de la seconde guerre mondiale. L’événement se déroule au monument aux morts de La Celle Saint-Cloud : les deux maires sont expérimentés, le public, constitué d’élus et de citoyens des deux villes, semble plutôt familier des cérémonies patriotiques. Celle-ci avance selon un déroulement type, intégrant la levée des couleurs, l’exécution d’hymnes, la lecture de textes en rapport avec la commémoration par de jeunes lycéens, la lecture des messages officiels, le dépôt de gerbes par chacun des maires des deux communes, par la représentante du conseil départemental et par les associations d’anciens combattants. Puis sont appelés les curés des deux paroisses et enfin le président de l’association culturelle musulmane locale qui, à leur tour, déposent une gerbe.

La cérémonie se poursuit par le chant de la Marseillaise et se termine par les salutations aux porte-drapeaux et aux différents corps constitués représentés. La cérémonie de Bougival / La Celle saint Cloud, en cette matinée du 8 mai 2015, presque banale, trouve sa réplique dans des dizaines de milliers de communes, partout en France. Pourtant la gerbe des prêtres et celle de l’association culturelle musulmane sont de nature à surprendre. La tradition républicaine ne réserve-t-elle pas ce geste aux autorités publiques et aux associations d’anciens combattants ?

En effet, la République honore, sans distinction, tous ses Morts. Et les autres associations, les syndicats, les partis politiques, en déposant une gerbe au cours des manifestations publiques, affectent le caractère unanime et non partisan de l'hommage rendu par la Nation. Or, il est délicat d’avoir aujourd’hui un débat serein car la société française est en déséquilibre sur la question de la laïcité. La droite extrême a dévoyé le terme en l’utilisant comme un moyen d’exclusion et de combat contre les Musulmans. Jouant les boutefeux, un ancien président de la République s’amuse à exalter une religion pour mieux en stigmatiser une autre, dans l’espoir de rattraper ses électeurs perdus. Plus globalement, notre compréhension de la laïcité et de la loi de 1905, loi de protection et de liberté, s’est affaiblie.

Cette ignorance conduit à banaliser les faits relatés ci-dessus et pourrait laisser croire que les dénoncer, risque d’envenimer le débat tandis qu’il s’agit de préserver la cohésion sociale. Le fait religieux a, en un siècle, changé de nature et les revendications de certains peuvent se heurter aux principes laïcs, mais en accédant aux demandes des représentants de deux groupes religieux, les maires ont-ils perçu qu’ils encourageaient une aspiration à se différencier et un risque de segmentation de la société ? Ce n’est pas le moment et ce n’était certes pas le lieu.

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