Vers une économie de la sébile et des claquettes

Elles sont apparues dans le sillage du succès des réseaux sociaux comme autant de miracles à la portée de tout un chacun. Elles n'avaient rien de surnaturel à l'époque sinon d'être les premières plateformes à offrir aux projets à la recherche ou en panne de financement, une alternative aux investisseurs de métier (banquiers, etc).

En quelques années et quelques clics, portées par la confiance des internautes et la sécurisation des transactions en ligne, kickstarterulule, kisskissbankbank, etc, elles ont su faire du financement participatif, ou crowfunding, une réalité, contribuant ainsi à enrichir l'histoire en marche de l'un des chapitres de l'économie collaborative.

En France, ce mouvement, récemment encadré par le décret n° 2014-1053 du 16 septembre 2014 relatif au financement participatif, poursuit un développement modeste en volume mais riche en dynamisme. Initié par l'association Financement Participatif France (FPF), le premier baromètre sur le sujet annonçait au premier semestre 2015 une collecte de 133,2 millions d’euros contre 66,4 millions, sur les six premiers mois de 2014, chiffres obtenus sur la base des déclarations d'un panel constitué de 51 plateformes.

Que les sommes avancées dépendent du bon vouloir de déclarants consacrés à la promotion de leur activité n'empêchent pas ce type d'investissement d'élargir son audience et de poursuivre son développement. Pour l'illustrer, les exemples ne manquent pas : artistique, avec l'association Art of Change 21 et plus de 40.000 euros collectés sur kickstarter pour un projet sur la pollution à découvrir sur Masbook, militaire, avec un collectif d'anciens soldats soutenu par plus de 10.000 personnes pour financer une expédition guerrière. Et d'autres.

En effet, le principe de biens et de services qui se produisent, s'échangent, se vendent et se consomment sous la tutelle d'individus réunis par des ambitions communes, tels d'authentiques parties prenantes, est des plus attractifs. Il n'oblige personne et ne fonctionne que sur le désir de participants assez mobilisés pour ne pas faire mentir le proverbe des petits ruisseaux qui font les grandes rivières. Mais le désir est volatil. Et convaincre des milliers de personnes n'est pas chose facile. La publicité en sait quelque chose.

De fait, le financement participatif n'a que l'apparence de la simplicité, car sa plus grande crainte est de devenir le parent pauvre de l'investissement traditionnel, transformant chaque porteur de projet en homme orchestre muni d'une sébile, de claquettes et de l'enthousiasme du désespoir.

Ce qui lui porterait un coup fatal, que personne ne lui souhaite.

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